mercredi 13 octobre 2010

Volonté d'être aveugle‏

Peut-on à ce point être aveugle au désespoir de l'autre ?

Delphine de Vigan

Nous sommes centrés sur nous-mêmes. Constat accablant. Fait. Conclusion implacable. Et pourtant... Même en étant centrés sur nous-mêmes, je ne comprends pas. J'ignore. Comment est-ce possible que certaines personnes soient si aveugles au désespoir de l'autre ? Ça me semble impossible à croire.

Alors ce ne peut être qu'une seule chose. On se met la tête dans le sable. On ferme les yeux. On se rend volontairement aveugle. Ce qui est pire. Parce qu'on choisit son nombril. Bien entendu, parfois, on n'a pas le choix; question de survie. Mais quand on l'a, ce choix, pourquoi fait-on quand même un choix identique ?

Des réponses, j'en vois trop. Pour ne pas se faire mal. Pour se déculpabiliser. Pour se déresponsabiliser. Pour faire semblant de rien. Pour pouvoir continuer en toute impunité. La vérité, c'est qu'on ne veut pas se laisser atteindre par le désespoir de l'autre. Parce qu'il nous plongerait dans notre désespoir à nous, nous renverrait dans nous, dans le viscéral et l'essence même de nous.

Alors on joue à l'autruche. Et on ignore. On fait comme si. On blesse l'autre à coup de yeux fermés et de têtes baissées. Peut-on être à ce point aveugle demande-t-elle ? Je ne crois pas. Mais on peut choisir de l'être. Trop. Jusqu'à en transpercer l'autre. Jusqu'à l'achever. Et alors, vous verrez, parce que vous serez en besoin, un autre arrivera qui vous fera le même coup et ce sera à votre tour d'être la victime. Oui, alors vous verrez qu'on ne devient pas aveugle volontairement sans qu'un jour ça nous revienne en pleine gueule... Et quelque chose qui revient en pleine gueule, ça fait mal, vraiment mal. Je ne le souhaite à personne ce mal. Mais, la vie est ainsi. C'est une boucle.

4 commentaires:

Juju a dit…

Wow, ton texte est tellement véridique... C'est vrai que nous ne voulons pas voir le désespoir des autres pour ne pas replonger dans notre propre désespoir. Merci de l'avoir écrit noir sur blanc. Passe une bonne journée!

Yzabel a dit…

Parfois par contre quand on décide de s'attarder au désespoir des autres et c'est nous qui mangeons le coup de poing.

Sébastien Haton a dit…

Tu oublies deux aspects des choses :
- souvent on refuse de voir le désespoir des autres pour leur faire payer de n'avoir pas vu le nôtre. C'est plus ou moins inconscient mais c'est inévitable.
- souvent ceux qui sont désespérés rejettent durement les mains qui se tendent (Je rejoins Yzabel).
Nous sommes tous des individus, et à ce titre nos douleurs sont personnelles. C'est le plus souvent quand on a beaucoup souffert et que des gens nous ont aidé à aller mieux que nous nous tournons le vers le désespoir des autres; dans l'espoir de le réduire.

L'impulsive montréalaise a dit…

@Juju : C'est vrai qu'on ne dit pas assez souvent les choses noires sur blanc. Et c'est dommage.
@Yzabel : Je crois quand même, au final, que c'est bénéfique. Sur le coup, ça peut faire mal. Mais à long terme, on est fidèle à soi-même et on sait qu'on a fait la bonne chose. La bonté, ça n'est jamais perdu.
@shaton : C'est vrai que souvent, on punit les autres. C'est malheureux. Et c'est un vrai cercle vicieux. Et oui, on se fait souvent rejetr quand on veut aider quelqu'un. Mais au moins, il faut se dire qu'on a bien agit. Au meilleur de son coeur. Et il est bien vrai que d'avoir souffert, avoir été aidé, nous aide à redonner aux autres.