lundi 25 avril 2011

Peurs

Je doute de moi. J'ai des milliers de doutes. Je sais qui je suis. J'ai confiance en qui je suis. Ce n'est pas une question de confiance en moi. Plutôt que je sais bien qui je suis et que j'ai mes limites. Des limites que j'ai parfois peur de ne jamais vraiment réussir à dépasser.

Quand je dis ça, je pense à mon écriture. Je sais que je peux parfois avoir la plume jolie, voire captivante ou prenante. Pourtant. J'ai peur. De ne jamais arriver à publier. Pas par manque de talent complet et total. C'est autre chose. Pouvoir bien écrire ne rend pas écrivaine. Ça n'implique qu'une partie du processus. Par exemple, je chante bien. Mais je sais que je ne serai jamais chanteuse. Je n'ai pas ce qu'il faut pour ça. En ce qui concerne l'écriture, il me manque la discipline, l'énergie d'écrire. Quand j'écris, c'est facile, aisé. Mais je n'arrive pas toujours à m'y astreindre. Encore plus lorsque vient le temps de ré-écrire. Non pas que je n'en aie pas envie. C'est l'esprit qui est fatigué. J'ai l'impression de traîner ma vie sur mes épaules et elle me pèse. Pas que je ne l'aime pas ma vie. Je me suis battue, j'ai travaillé fort pour devenir qui je suis. Je suis fière de cet immense chemin parcouru. Mais il est là le chemin. Je ne peux ni le nier, ni l'oublier. Il m'accompagne.

J'ai donc cette faiblesse, cette paresse oserais-je dire. Mais au-delà de ça, je connais aussi certaines autres limites. Qui ne sont pas tant au niveau de mes capacités intellectuelles que de mes capacités émotionnelles. C'est étrange, mais je suis à la fois capable d'en prendre (je le sais, j'en ai pris plein la gueule à certains moments) et fragile. Ce qui fait probablement ma richesse créative. Ce que j'apprécie. Mais voilà, ça me bloque parfois.

Que dire aussi de ce non-agissement ! Car voilà, je ne fais pas. Je veux, je souhaite, j'aspire à. Mais je n'agis pas. Et j'ignore pourquoi. Des blocages bien enfouis au fond de moi. Je suis affreusement jalouse de ces autres. Qui se fixent des buts et arrivent à les atteindre presque facilement on dirait. Je sais bien que derrière ce presque se cache des efforts immenses. Mais ça semble toujours tellement plus facile et accessible pour les autres. Pourtant, si on ne parle que d'écriture, si je l'envoyais mon manuscrit, j'aurais quand même plus de chance que si je le laisse prendre la poussière. Mais je ne le fais pas. Je ne l'ai pas encore fait.

J'ai déjà parlé quelque part sur ce blogue d'une version améliorée de moi. Plusieurs points en commun entre moi et cette femme. Intellectuellement, bien que je la connaisse peu, je nous sens similaire. Mais elle réussit tout mieux que moi. À se demander si elle dort la nuit ! Je ne sais pas comment elle y arrive. Parfois, c'est que je suis malade, d'autres fois, fatiguée. Je ne suis pas une super-humaine. La vérité, c'est que je la jalouse. Je me demande pourquoi la vie lui a donné ce qui me manque à moi. Vous me direz que rien n'est donné. Mais c'est faux. On vient au monde dans un milieu, avec des caractéristiques physiques et psychologiques, on reçoit une certaine éducation.... Bien entendu qu'on peut changer. Mais certaines choses. Pas toutes. Il y en a qu'on pourra seulement tenter d'améliorer. Contre lesquelles on se battera toute sa vie.

J'ai peur de ne jamais combler toutes ses aspirations que j'ai en moi. À une certaine époque, combler ses désirs ne primait pas sur tout. Mais je vis dans une époque où il faut y arriver. Où le bonheur et la réussite sociale se quantifie. Je ne suis pas ainsi. Je ne veux pas additionner ma vie. Mais n'empêche que je sens souvent ce manque en moi, ce constat que je ne suis pas où je voudrais être dans bien des domaines de ma vie. Et que, bien que je sois satisfaite de mon cheminement, cela n'est pas suffisant quand je le compare à celui que je voudrais avoir fait. Ou du moins si différent.

Je ne suis pas malheureuse. Mais j'ai peur. De ne jamais arriver à bon port. De ne jamais sentir que je suis arrivée à la bonne place dans ma vie et que tout est bien. Que tout est exactement comme j'ai envie qu'il le soit. J'ai peur de faire le contraire de ce que quelqu'un m'a dit dernièrement et de laisser dormir mon talent. J'ai peur d'éliminer tout le bon, tout le meilleur en moi. En fait, j'ai peur que mes faiblesses finissent par étouffer mes forces.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Si je peux te dire une chose, je devrais avoir bien plus peur que toi à ce sujet. À te lire et te relire ici, dans cet espace qui t'appartient, tu as justement tout ce qu'il faut pour te lancer comme écrivaine.

Contrairement à moi qui n'a pas cet étoffe. Je me relis et je dois constamment me corriger et encore, une fois publié, je ne suis pas satisfait.

Crois-moi, et je t'ai déjà fait ce compliment une fois déjà : tu as le talent, le potentiel pour l'écriture. Alors courage ma chère !

On dit que le courage est la somme de nos peurs que nous avons réussi à dominer... Je crois sincèrement que tu en es pourvu.

Caro a dit…

Pourquoi regardé au loin quand on peut regarder tout près de nous. J'ai appris que vivre dans le futur tue le présent.

Tu as un talent fou, vire ces peurs en énergie positive et lance toi à fond!

Josie a dit…

Tes forces ne seront jamais étouffées car elles te brûlent.

Tes faiblesses font partie de toi et élèvent tes forces. Utilisent les. Comme avec ce billet. Une fois questionnée, je suis certaine que tu es convaincue de la réponse, même si elle n'est pas écrite.

La vraie peur c'est souvent : "et si ça marchait, pour vrai... serais-je à la hauteur?"
Et là, on "s'arrange" pour que ça ne marche pas.
Je sais, j'y suis...

Ne doute pas de toi.

Sébastien Haton a dit…

Si cela peut te rassurer, j'avais ce même profil. J'en ai changé il y a cinq ans en commençant par l'astreinte : obligation d'écrire tous les jours, puis l'astreinte est devenue discipline, puis la discipline est devenue habitude avant de se muer en plaisir et besoin.
Cela dit, dans un cas comme le tien, il n'y a pas beaucoup d'autres solutions que de débuter par l'astreinte. Car la paresse est puissante et mauvaise conseillère, je sais de quoi je parle.
En revanche, quand la machine est lancée, plus rien ne peut l'arrêter :),
séb h.

Anonyme a dit…

Je comprends ce malaise ressenti, celui de figer intérieurement alors qu’aucune raison apparente ne devrait justifier cet état de fait. De là découle cette analyse et ces propos sur la productivité.

Si j’osais, je vous suggérerais de ne pas vous comparer à d’autres. Vous enviez la réussite d’une connaissance. Peut-être êtes-vous digne d’une réussite beaucoup plus grande : la vôtre. Votre cheminement n’a pas à être le même puisque vous n’êtes pas la même personne.

Je perçois une angoisse, une tension inutile qui bloque tout, qui vous empêche de respirer calmement et de vous sentir bien, prête à poser des gestes qu’il faut poser.

Nous connaissons tous des gens qui réalisent des tas de choses et pourtant, ces gens prennent le temps de vivre, ils jouissent d’une écoute exceptionnelle, paraissent calmes, détendus. Comment font-ils? Malgré leur apparente sérénité, ça bouge dans leur vie. On dirait qu’aucuns liens ne les empêchent de faire quoi que ce soit. Nous pourrions les envier mais à quoi bon, nous ne sommes pas comme eux, acceptons la chose et procédons autrement.

Peut-être êtes-vous incapable de vous limiter à un seul objectif à la fois? Peut-être ne pouvez-voir que l’ensemble du tableau et la masse des choses à faire? Cela paralyse. Peut-être tentez-vous d’atteindre la perfection? Cet illusoire objectif produit l’effet contraire, il incite à faire du sur place. Il ne s’agit pas de paresse.

Et puis, en lisant votre billet, chacun de nous se reconnait un peu. Ça c’est votre talent d’écrivaine. Nous sommes tous un peu comma vous, selon les circonstances. La preuve c’est que nous réagissons.

Accent Grave

L'impulsive montréalaise a dit…

@Jeff : Comme je le disais, ce n'est pas que des doutes sur mon talent. C'est autre chose. Mais comme tu le dis, le courage, c'est la somme des peurs que nous réussissons à dominer. Alors j'espère que la somme sera grande et que je les battrai toutes !
@Caro : C'est pas fou. Je paralyse sur la suite. Mais je pourrais plus foncer sur l'actuel. Un pas à la fois. Ça avance toujours mieux.
@Josie : Mes forces qui me brûlent. Mes faiblesses qui élèvent mes forces. Quel superbe commentaire. Qui permet de croire un peu. De relativiser un peu. Merci. Et je vais essayer. Mais le doute est sournois. C'est pouquoi parfois vaut mieux bien l'exposer pour savoir à qui on s'attaque.
@seb : À ton niveau, ce n'est plus de la discipline. C'est de l'esclavage. :-P Mais je comprends tout ce que tu veux me dire. Et c'est bien de voir un exemple concret. Quelqu'un qui a réellement envoyé paître ses peurs et qui maintenant récolte le fruits de tout ça, de ses efforts. Merci mon cher.
@Accent Grave : Ben voilà, aucune raison apparente. Mais c'est quand même un peu là. Au creux de moi. Alors je cherche, je fouille, je veux comprendre.
J'aime beaucoup cette réflexion sur le fait que peut-être je ne peux pas voir un seul objectif à la fois, me limiter à du moins. Et c'est vrai. Je veux tout, j'ai tellement d'aspirations. Alors quand je regarde la somme, ça me bloque, ça m'immobilise. Parce que la somme fait peur ! Mais un à la fois, déjà, c'est un peu mieux. :)
Et merci pour ce gentil commentaire : "Et puis, en lisant votre billet, chacun de nous se reconnait un peu. Ça c’est votre talent d’écrivaine." Lire ça fait toujours chaud au coeur. Même si comme je le dis, mon talent n'est pas au coeur de cette réflexion. J'apprécie beaucoup.

Sébastien Haton a dit…

"À ton niveau, ce n'est plus de la discipline. C'est de l'esclavage."

Oui mais je suis aussi mon propre maître. C'est pour ça que ça a marché sur moi :)