J'ai eu l'impression de recevoir un boulet de canon dans le ventre quand il est entré dans le métro. Les commissures de ses lèvres, ses cernes, le pli de son menton contre son cou penché vers l'avant, sa barbe naissante, ses épaules un peu tombantes. Un fantôme. J'ai enregistré ses traits, je les ai bus. Ce gars ressemblait tant à celui qui a hanté mon coeur depuis l'école primaire. Celui que dans mes rêves les plus fous, j'ose nommer... Bah ! vous savez...
Pourtant, je le connaissais si peu. Oh ! bien sûr, si je vous racontais toutes ces anecdotes que j'ai, j'en aurais pour un moment. J'en ai noirci des pages de mes journaux intimes. Celui avec Candy en couverture tout d'abord. Vous savez ce genre de journal avec une petite clé qu'on donne aux fillettes ? Une petite clé qui ne vaut rien soit dit en passant. Alors, j'ai écrit sur lui. Dans ce journal. Dans plusieurs autres qui ont suivi.
Ça doit faire une dizaine d'années que je ne l'ai pas vu. Malgré tout, je sais la majorité de ses traits par coeur. Ce gars dans le métro, j'ai failli pleurer devant ses cernes. Les mêmes que mon souvenir avait. Les mêmes qui se sont probablement accentuées avec l'âge et les expériences de vie. Je l'ai observé comme on le fait sur une table d'opération. Ses mains. Il y a juste ses mains qui me semblaient différentes de celles de l'autre. Plus lisses, moins homme. Pourtant, il avait à peine la vingtaine, peut-être même pas, la dernière fois que je l'ai vu, mon souvenir. Mais ses mains étaient un peu plus rudes que celles de ce gars devant moi.
Ce gars dans le métro, il portait un peu de vert. Je ne sais même pas si l'autre aimait le vert. C'est la réflexion qui m'est venue. Je le connaissais si peu. Pourtant, à disséquer les traits de ce gars, je me suis aperçu à quel point j'avais son reflet précis gravé en moi. Ça m'a fait repenser à tous ces moments que j'ai de lui. Des instants, des paroles, beaucoup de regards.
En sortant du métro, j'ai avalé une grande bouffée d'air. Je ne l'avais pas remarqué, mais j'avais suspendu mon souffle en sa présence. J'ai tourné la tête pour le voir une dernière fois. Il s'est appuyé sur la même barre de métro que moi. Un reste de ma chaleur a peut-être touché à son bras. Il était trop tard pour quoi que ce soit. La porte du métro s'est refermée et l'a emporté. J'ai presque pleuré en pensant à ses cernes émouvantes. À cet air qui me rappelait tellement l'autre.
mercredi 11 mai 2011
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4 commentaires:
Et ce n'était pas lui?
@Caro : Ah ! non, je serais bien tombée à genoux...
alors qui était-ce ? sont-ils liés ?
Beaucoup de mystère...
@Caro : Non. J'en serais bien tombée sur les genoux. Il n'y a aucune chance que je le confonde.
@Fleurbleueisa : Je n'en ai aucune idée.
@aux deux : allez voir mon post de ce matin ! C'est incroyable !
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